Monogyna
Il existe une interaction entre la photographie, le territoire et la géographie.
C’est autour de ces trois thématiques clé que s’est construit le travail de l’artiste photographe italienne. Au fil du temps, elle a souvent été amenée à s’interroger sur son parcours de « voyageuse » et à voir d’un œil intéressé ce » processus de changement » qui a touché au cours des dernières années la notion de même frontière.
Née à Turin dans les années 90, ville proche de la France, elle se rappelle des voyages avec sa famille qui ont constitué une première prise de conscience de ce que signifiait la frontière géographique :
« Petite, quand nous partions à la montagne pour aller skier, nous devions « passer les contrôles » à la frontière France- Italie. Il fallait alors sortir les passeports, se montrer courtois et silencieux face aux policiers et attendre leur accord pour poursuivre notre voyage. Ce rituel m’impressionnait à chaque fois. Quelques années plus tard, mes parents m’expliquèrent que ces fameuses frontières n’existaient plus, désormais nous pouvions circuler librement en Europe. Quel soulagement ! Quel sentiment de liberté ! A 18 ans, je quittai Turin pour m’installer à Paris. J’étais amenée à voyager sans cesse; et monter sur un avion sans montrer ma carte d’identité me semblait quelque chose d’incroyablement excitant.
Aujourd’hui je voyage encore beaucoup en Europe, souvent en train. Je constate avec tristesse et un peu d’inquiétude une sorte de « retour aux frontières ». Les hauts parleurs des trains nous rappellent constamment que les contrôles ont été rétablis, que désormais il sera nécessaire d’exhiber nos papiers d’identité sur demande d’un officier de police. Les douaniers contrôlent nos sacs et valises, en nous posant des dizaines de questions. Sommes-nous face à une remise en question de cette liberté de circulation des personnes, qui, plus jeune, m’excitait autant ? »
Dans la vie de la photographe italienne, il n’y a pas de frontières. Le parcours qu’elle entreprend fréquemment à bord du TGV France-Italie présente une charge symbolique forte à ses yeux : c’est le pont qui relie deux univers; la ville où elle a grandi et celle où elle à choisi de vivre et travailler. C’est ainsi que dans ses images poétiques, le voyage se trouve sublimé et la traversée transformée en un ensemble de vibrations d’espace, empreintes de respirations chromiques et de résonance de silence. Dans ses images, où l’absence de contours nets suggère une forme de « plasticité du territoire », l’artiste nous confère la liberté de remodeler, par le biais de notre imagination, ce qu’elle nous donne à voir. Nous retrouvons cette « plasticité du territoire » dans les flux de couleurs, dont le changement continu est subordonné à la lumière capricieuse des montagnes, miroir d’une évolution permanente de nos états d’âme peut-être aussi « mutables » que le territoire photographié.
Dans les clichés de CG, géographie et photographie ne constituent pas seulement un moyen pour décrire le territoire mais touchent également à une forme de « non-image », c’est-à-dire à cet enchevêtrement d’émotions sous-jacent à l’image elle-même. Ainsi, le temps et le territoire « s’échappent » laissant place à la réflexion. Partir ou arriver cela n’a plus d’importance. C’est l’expérience du voyage qui devient centrale, et nous nourrit au point de nous faire « habiter le monde » ; dans une forme d’accueil qui devient, progressivement, recueillement.