Combien d’hivers as-tu?
MISE EN CONTEXTE
Costanza Gastaldi, partie avec trois autres artistes, entre janvier et mars 2020, a dormi pendant un mois dans un ex-remorqueur militaire posé sur la banquise. Sans chauffage, ni eau courante, elle n’imaginait pas à quel point cette expédition allait la mettre physiquement à l’épreuve.
Les températures extérieures étant entre -50°C et -20°C et les tâches sur le bateau multiple; il a fallu presque deux semaines avant de réussir à conjuguer les efforts physiques à la création plastique.
Au bout de 20 jours, le vent du nord , inhabituel pour cette période de l’année, résultat du réchauffement climatique, s’est mis à souffler très fort, au point de détruire la banquise et emporter le bateau désormais hors de contrôle au large.
Les artistes ont dû évacuer le remorqueur en urgence. Après des heures de marche ils ont rejoint AKUNNAAQ, petit village comptant 40 habitants. Là, ils ont découvert une culture fascinante menacée par la richesse même de son territoire: perdue entre traditions et modernité, animisme et protestantisme, viande de phoque et coca-cola, dans un territoire en pleine transformation.
Avec les oeuvres extraites de « QASSINIK UKIOQARPIT »(combien d’hivers as-tu?) Costanza Gastaldi nous fait éprouver le territoire Arctique. L’artiste ne se limite pas à reproduire le paysage mais elle le transforme en « fragments sensibles » capables non seulement de retranscrire la poésie polaire mais aussi de se questionner avec délicatesse sur la notion du temps qui passe et sur les problématiques liées au réchauffement climatique.
Minimalistes et aériennes les nouvelles oeuvres de l’artiste nous surprennent par leur diversité. Le spectateur est saisi par l’espace illusoire qui se révèle au loin, dans un territoire indéfini, enveloppé par le blanc. l’absence de toute figure humaine confère une dimension métaphysique aux terres photographiées qui se transforment alors, sous les yeux du public, en véritables empreintes chimiques de l’être.
Les jeux subtils de profondeur autour de l’architecture naturelle sont soulignés par l’utilisation de papier japonais qui grâce à sa matérialité et son grain fortement présents font écho au rythme des roches volcaniques.
Par le déploiement de tous ces médiums additifs et auxiliaires Gastaldi nous amène dans les régions secrètes de ses rêves et, alors que nos présidents instaurent le nouveau nomos du ciel et poursuivent la guerre des étoiles, « Combien d hivers as-tu? » nous projette dans un univers en apesanteur qui pousse à la réflexion et à nous interroger sur le besoin humain de s’arrêter, s’écouter, regarder et ce tout en lenteur comme si le temps n’était rien d’autre que synonyme d’éternité.